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Lydienne N’Togue : « L’un des enjeux majeurs est l’autonomie des personnes en parcours de migration »

Mise à jour :

Les États généraux des personnes vivant avec le VIH (EGPVVIH), les premiers depuis 20 ans, se sont déroulés du 25 au 27 mai 2024 à Paris. Après plus de 40 ans d’épidémie du VIH/sida, les EGPVVIH entendaient être un « espace de dialogue créé par et pour les personnes concernées ». Un an plus tard, la rédaction de Remaides donne la parole à celles et ceux qui ont participé à cet évènement. Rencontre avec Lydienne N'togue, militante de AIDES et salariée Réseau Santé Marseille Sud.

Source : AIDES Remaides 

Remaides : Pouvez-vous vous présenter ?
Lydienne N'Togue : J'ai 45 ans, je suis militante à AIDES et je me présente comme une femme noire d’ici et du Cameroun. Je vis avec le VIH depuis 2001, mais ce n’est qu’en 2004, lors de ma grossesse, que je l’ai découvert. Pendant plus de 20 ans, j'ai subi l’invisibilité, le silence, la discrimination, la maltraitance et les échecs thérapeutiques, mettant en péril ma santé. Face à cette réalité, j'ai dû tout quitter : mon emploi, ma famille, ma vie et immigrer en France pour survivre. Cette immigration forcée a fait naître ma détermination et mon engagement à « connaitre pour informer », afin de contribuer à une transformation sociale essentielle, qui aurait dû accompagner les avancées thérapeutiques dans la lutte contre le VIH.

 
Dans le recueil des besoins, en amont des États généraux, les personnes ont beaucoup parlé des difficultés rencontrées pour s’intégrer en France et de l’impact de ces dernières sur leur santé. Pourriez-vous nous parler de votre expérience concernant cette question ?
C’est exactement ce qui m’est arrivé. J’ai été traumatisée, non seulement par les conditions d’accueil dans les lieux d’hébergement, mais aussi par l’infantilisation qui accompagne l’accompagnement administratif. Cela a été si éprouvant que j’ai dû bénéficier d’un soutien psychologique et psychiatrique. On nous traite comme si nous n’avions jamais vécu avant d’arriver en France. Et plus je résistais à ce traitement, moins j’obtenais l’aide dont j’avais pourtant besoin. 
Des personnes arrivées bien avant moi en France, m’ont conseillé de feindre l’ignorance sur tout. Comme par magie, les choses se sont mises à aller mieux dans mes démarches, j’avais plus de bienveillance et d’empathie, mais à quel prix ? Cette stratégie aurait eu un impact profond sur mon estime de moi et ma santé mentale. Réaliser que j’en étais arrivée là aurait pu me briser si je n’avais pas bénéficié d’un accompagnement sans faille de l’équipe médicale pluridisciplinaire qui prend en charge le VIH à l’hôpital Sainte-Marguerite de Marseille et du soutien des volontaires et salariés du lieu de mobilisation de AIDES.

Et est-ce que vous pourriez nous dire si entre votre arrivée en France et aujourd’hui, vous avez perçu des changements, positifs et négatifs, à propos de l’intégration des personnes migrantes ?
Ce que j’observe, c’est que l’environnement politique est de plus en plus hostile à l’immigration, les dispositifs d’intégration, continuent de paternaliser ou maternaliser les personnes, les rendant dépendantes même des années après leur arrivée en France. Beaucoup ne connaissent même pas leurs propres mots de passe, ne maîtrisent pas les démarches administratives ou ne se souviennent pas des dates de leurs rendez-vous, tant ils sont dépossédés de leur autonomie. 
Dans le même temps, les refus de titre de séjour pour soins s’enchaînent, les places en hébergement d’urgence se font rares, et la maîtrise du français est devenue une condition quasi obligatoire pour obtenir un titre de séjour. Les obligations de quitter le territoire français sont distribuées à la pelle, et accéder à la formation civique [formation obligatoire pour l’obtention de certains titres de séjour, ndlr] relève du parcours du combattant. D’ailleurs, je fais partie de la dernière promotion à en avoir bénéficié à Marseille. Non, les choses ne vont pas en s’améliorant. 

 

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