Source : Atlantico
Atlantico : Fort de son vaccin contre le Covid-19, Moderna annonce faire des recherches pour trois nouveaux vaccins : contre la grippe saisonnière, l’infection par le VIH et la fièvre de Nipah, maladie causée par un virus hébergé par les roussettes. Est-ce le signe du succès de l’ARN messager ?
Collectif Du Côté de la Science : Les vaccins à ARNm sont un moyen de pousser des cellules du corps à fabriquer certaines protéines afin de déclencher l’apparition d’une immunité contre celles-ci. Il est important de comprendre que, pour tirer bénéfice de cette technologie, il faut d’abord identifier la ou les protéines à neutraliser (par exemple la protéine S dans le contexte de la Covid-19). Sans cette étape, pas de vaccin à ARNm puisqu’on ne saurait pas quel ARNm utiliser dans le vaccin.
L’utilisation de l’ARNm comme plateforme thérapeutique ou vaccinale est en étude et en développement depuis plus d’une décennie. Son intérêt semble dépasser le domaine des vaccins contre les maladies infectieuses et concerner également les cancers (voir par exemple les produits d’immunothérapie en développement chez BioNTech, ou les maladies à composante auto-immune (un traitement contre la sclérose en plaques est en cours de développement chez BioNTech).
Que peut-on attendre de ces trois vaccins, en particulier celui contre le VIH ?
Contre la grippe saisonnière, les protéines à cibler sont la neuraminidase (N) et l’hémagglutinine (H), très variables selon les souches. Les vaccins à ARNm Moderna (mRNA-1010, 1020 et 1030) offrent la possibilité de mélanger plus de types de H et de N pour cibler plus de souches. Ils pourraient également stimuler une réponse immunitaire cellulaire (complémentaire aux anticorps) qui est rarement induite par les vaccins traditionnels contenant ces protéines. Concernant Nipah, les protéines F et G du virus sont ciblées (vaccin mRNA-1215), comme pour la grippe. Au vu du succès avec la Covid-19, ces deux vaccins semblent prometteurs.
Pour le VIH, les choses sont plus compliquées. La présence d’anticorps ne bloque pas l’infection (toutes les personnes séropositives ont des taux élevés d’anticorps, sans effet sur la progression de la maladie). Depuis 30 ans, les tentatives de vaccins contre le VIH se heurtent à ce problème. Les 2 vaccins Moderna (mRNA-1644 et mRNA-1547) tentent de provoquer l’apparition d’anticorps « inédits » qui pourraient être plus efficaces et mieux stimuler l’immunité cellulaire que les vaccins testés à ce jour, ce qui semble être la clef d’une immunité protectrice contre cette maladie. Néanmoins, les experts sont plus réservés sur cette tentative. Il faudrait mieux connaître les facteurs essentiels pour une réponse immunitaire efficace face au VIH.
La recherche d’un vaccin contre le Covid-19 pourrait donc nous aider à combattre d’autres maladies ?
La Covid-19 aura permis d’accélérer l’évaluation à grande échelle des technologies à ARNm. Il est fort probable que cette approche se développe massivement dans les prochaines années, en bénéficiant également des avancées relatives aux technologies de micro-encapsulation (nanoparticules). Cette technologie pourra être affinée en permettant aux nanoparticules de cibler certaines cellules en particulier, grâce à l’ajout, dans la membrane de ces particules, de molécules de reconnaissance spécifique (des ligands, des récepteurs, des anticorps, par exemple). Il sera alors possible de délivrer l’ARNm uniquement dans des cellules qui en ont besoin (par exemple pour compenser l’absence d’une protéine dans les maladies génétiques, comme avec les thérapies géniques, ou pour éliminer des cellules infectées ou tumorales).
Il est à noter que Moderna possède environ 25 vaccins en développement : en infectiologie, en cancérologie, contre certaines maladies rares ou contre… les séquelles des infarctus du myocarde ! BioNtech en liste autant contre les cancers. C’est un champ très ouvert.