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Une année de Covid à haut risque pour les pathologies du foie.

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Source : Le Quotidien du Médecin

La situation des patients atteints de pathologies hépatiques (hépatite C, B ou NASH) a été fortement impactée par la pandémie de Covid-19. C’est le constat tiré par les hépatologues rassemblés virtuellement jusqu’au 10 mars à l’occasion de la 14e Conférence d’hépatologie de Paris.

« L’année qui vient de s’écouler a vu diminuer de moitié le nombre de nouveaux patients mis sous traitement contre l’hépatite C, passant de 10 000 à 5 000 », explique le Dr Pascal Mélin, hépatologue au centre hospitalier Geneviève de Gaulle Anthonioz de Saint-Dizier et président de SOS Hépatites. « Dans l’hépatite B, c’est le dépistage qui est en panne ainsi que le parcours de prise en charge, poursuit-il. Nos patients, qui doivent consulter tous les 6 mois, n’ont pas voulu venir de peur de se faire contaminer. On risque de se retrouver face à des catastrophes. »

Selon une étude de modélisation italienne commentée par le Pr Patrick Marcellin, organisateur de la conférence, l’interruption du suivi des patients cirrhotiques pourrait provoquer environ 10 000 décès de plus en Europe occidentale. « C’est une étude qui vaut ce qu’elle vaut, mais on peut craindre que plusieurs milliers de patients français soient en danger si le déficit de dépistage », prédit le Pr Marcellin.

Deux à cinq fois plus de risque de décès

Les malades du foie « ont payé un lourd tribut lors de l’épidémie », constate le Dr Mélin. Le risque de mortalité consécutive à une infection par le SARS-CoV-2 est en effet, selon les études et les techniques de réanimation employées, deux à cinq fois plus important si le patient a une cirrhose décompensée. « Certains patients ayant une cirrhose compensée ont connu leurs premiers épisodes de décompensation lors d’une infection à SARS-CoV-2 : une infection du liquide d’ascite, une hémorragie digestive et/ou une encéphalopathie, complète le Pr Patrick Marcellin. Or, la surmortalité est énorme chez les patients ascitiques. »

Paradoxalement, l’épidémie de Covid a permis de multiplier les dépistages de cirrhose. « Des patients atteints de Covid-19 se dégradaient rapidement et les médecins ont voulu comprendre pourquoi, c’est comme cela qu’on a découvert des cirrhoses non diagnostiquées, explique le Dr Mélin. C’est quand même dramatique de voir que c’est le Covid-19 qui permet de dépister la cirrhose. Tous stades confondus, on a un million de personnes qui souffrent de leur foie en France, et ils ne sont pas reconnus pour leur fragilité. »

L’hépatite B, maladie oubliée

Le 28 janvier 2020, SOS Hépatites a organisé les états généraux de l’hépatite B, « cet événement a été passé sous silence à cause du Covid-19 », se désole le Dr Pascal Mélin. Au-delà des problèmes causés par la pandémie, la lutte contre l’hépatite B souffre de problèmes structurels dénoncés dans le rapport final de ces états généraux. Cela commence par le manque criant de données épidémiologiques actualisées. « Il est incroyable qu’aucune enquête épidémiologique n’ait été faite en France depuis 15 ans », s’emporte le Dr Mélin.

Selon les estimations actuelles, 135 000 personnes sont infectées par l’hépatite B, dont seulement 27 000 bénéficient d’une prise en charge en ALD et dont la moitié seulement est dépistée. Les chiffres de l’hépatite B sont probablement sous-estimés, comme le juge le Pr Marcellin : « l’épidémie d’hépatite B augmente en France car on a une immigration provenant de zones fortement endémiques comme le Moyen-Orient ou l’Europe de l’Est qui n’est pas bien prise en compte dans nos modèles épidémiologiques qui sont un peu anciens. »

SOS Hépatites réclame l’accès aux TROD du virus de l’hépatite B et la mise en place de campagnes d’information et de dépistage. « Les malades nous disent qu’ils ne savent pas comment se faire dépister, poursuit le Dr Mélin. Deux malades sur trois demandent à être informés et 70 % attendent des informations de leur médecin traitant. L’information des malades doit être mise en parallèle avec une bonne information des médecins ».

La stéatose : un adulte sur cinq plus sensible au Covid-19

Autre catégorie de patients fragilisés face au Covid-19 : les malades atteints de maladie du foie gras. « Ils ont trois fois plus de risque faire un Covid grave, alors qu’ils représentent environ un adulte sur cinq en France environ », affirme le Pr Laurent Castera, hépatologue à l’hôpital Beaujon (AP-HP). Il n’y a pas d’enquête précise sur l’étendue du phénomène en France, mais on estime que 10 millions d’adultes français ont une maladie du foie gras, dont 1 million va développer une NASH et 100 000 une cirrhose.

 

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