Source : SERONET
L’année 1996 marque un tournant crucial dans la lutte contre le sida et la prise en charge thérapeutique des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) avec l’arrivée des premières trithérapies présentées en janvier lors de la Conférence de Washington. Ces traitements très efficaces associent trois molécules antirétrovirales : deux de type nucléoside et une troisième de type antiprotéase. Aux États-Unis, le nombre de décès liés au sida chute de 42 % entre en 1997 puis encore 20 % supplémentaires l’année qui suit. Dans la ville de New York seulement, les décès liés au sida baissent de 63 % entre 1996 et 1998. En France, face à un accès limité à ces traitements, le Conseil national du sida (CNS) propose en février 1996 d’organiser un « tirage au sort » pour sélectionner les personnes pouvant en bénéficier. Cette idée, vivement critiquée par le monde associatif, est rejetée par le Premier ministre Alain Juppé. Toujours en février, face à la lenteur de la mise à disposition des trithérapies, les militants-es d’Act Up-Paris occupent l’usine de la firme américaine Abbott à Evreux. En mars, des militants-es d’Actions Traitements organisent un voyage à New York pour récupérer les trithérapies non accessibles en France.
Leur autorisation de mise sur le marché (AMM) n’arrivera chez nous qu’en septembre 1996. En novembre de la même année, Andrey Sullivan, auteur conservateur, gay et ouvertement séropositif, écrit un essai, publié dans le New York Times, intitulé When Plagues End (quand les fléaux s’achèvent) qui provoque la colère des activistes de la lutte contre le sida. Dans cet essai, l’auteur dépeint l’arrivée des trithérapies comme un miracle salvateur et choisit d’ignorer certains aspects problématiques : les prix exorbitants fixés par les laboratoires qui les rendent inaccessibles pour les pays du Sud ; le fait que certaines PVVIH n’ont pas pu bénéficier de ces nouvelles molécules car leur virus avait développé de nombreuses résistances ; des effets indésirables multiples et très lourds.
Pour marquer les 25 ans de l’arrivée des trithérapies, le média américain consacré au VIH The Body a publié fin décembre une série de témoignages de PVVIH qui ont connu l’arrivée de ces traitements. Ils-elles racontent le choc de l’arrivée des trithérapies dans leur vie avec toute la complexité, les questionnements et paradoxes que cela a généré. Apprendre à revivre, à se projeter de nouveau quand une mort proche était annoncée ou à gérer des effets indésirables parfois insupportables. « 1996, c’était l’année où j’ai vendu mon assurance vie. L’année où j’étais censé mourir et l’année où trop de personnes ont déclaré que c’était la fin du sida » se souvient Bob Doyle, diagnostiqué séropositif en 1986 et qui vit aujourd’hui une retraite paisible à Cuenca, en Équateur.