Source : RTL
Il y a 40 ans paraissait le premier article décrivant les symptômes du Sida. Depuis, la prise en charge de la maladie a beaucoup évolué, mais des progrès restent à faire.
C’était il y a pile quarante ans. Le 5 juin 1981 est publié le premier article scientifique décrivant la maladie du Sida. Dans le Morbidity and Mortality Weekly Report (MMWR), des médecins s’interrogent sur le cas de cinq jeunes californiens homosexuels présentant une pneumocystose, maladie touchant des patients immunodéprimés, alors qu’ils semblaient en bonne santé. Au moment de la publication, deux de ces jeunes sont décédés. L’éditorial qui accompagne l’article suggère un « dysfonctionnement des cellules immunitaires » et une « maladie transmise par contact sexuel ».
Le même jour, le médecin français Willy Rozembaum reçoit dans son cabinet un patient qui présente les mêmes symptômes. Et les cas se multiplient rapidement.
Un nom est donné à cette maladie, identifié peu à peu partout dans le monde : le Sida, pour « syndrome d’immunodéficience acquise ». En 1983, une équipe de l’Institut Pasteur à Paris, menée par le virologue Luc Montagnier, avec Françoise Barré-Sinoussi, Willy Rozembaum et Jean-Claude Chermann, découvre le virus responsable du Sida, le VIH, pour « virus de l’immunodéficience humaine ».
Une prévention difficile à mettre en place
Pour les personnes contaminées, il n’y a alors pas de solution. À l’époque, il s’agit seulement de prendre en charge leur fin de vie, une fois que la maladie s’est déclarée. « Les premiers malades du Sida ont été accompagnés et suivis par les médecins. Des médecins de la première heure, très engagés, qui n’avaient pas peur d’aller au front alors que les malades étaient extrêmement discriminés, que certains ne voulaient même pas entrer dans les chambres par crainte d’attraper le virus », raconte à RTL.fr Florence Thune, directrice générale du Sidaction.
Les associations et certains professionnels de santé se mobilisent très fortement pour mieux comprendre la maladie, et pousser la recherche à trouver des solutions. « Ce qui était très nouveau, c’était le militantisme des personnes concernées. C’était une pathologie qui tuait des jeunes, et ils voulaient savoir pourquoi ils mouraient« , explique Florence Thune.
Fin 1980 – début 1990 : la prise en charge s’accélère
Il faut néanmoins attendre 1985 pour que soit lancé le premier test de dépistage du VIH. A la fin des années 1980 et le début des années 1990, les choses s’accélèrent. En 1987, l’interdiction de faire de la publicité pour les préservatifs est levée, ouvrant la porte à une distribution plus massive. La même année, des seringues sont mises en vente libre dans les pharmacies, pour éviter que les consommateurs de drogues ne se prêtent des seringues contaminées et une campagne nationale de prévention est lancée.
Surtout, le premier médicament, l’AZT, est lancé sur le marché. Il s’agit d’un antirétroviral, qui occasionne néanmoins des effets secondaires, comme des cas d’anémie. « C’est le médicament qui a permis à certains de survivre, mais on a vite vu qu’il n’était pas suffisant », estime la directrice générale du Sidaction.
Les traitements sont remboursés par la Sécurité sociale, et les patients pris en charge en affection de longue durée. Mais la véritable révolution intervient en 1996 : la trithérapie. « Il s’agit de la mise en commun de trois molécules, et qui mises ensemble parviennent vraiment à contrôler le VIH« , explique Florence Thune. Pris quotidiennement, le traitement arrête la prolifération du virus et empêche sa transmission. La trithérapie fait chuter le nombre de décès.
Le lancement de la PrEP, pour éviter l’infection
Mais pour prendre en charge la maladie à temps, il faut aussi être dépisté. En 2011, le dépistage est facilité par la mise en place de tests rapides, qui peuvent être réalisés par les associations de lutte contre le Sida. « C’est un changement de paradigme qui a permis d’élargir l’accès au dépistage pour ceux qui justement n’osaient pas se rendre dans un laboratoire, et qui permet surtout d’aller vers des populations très éloignées du système de soins », estime la directrice du Sidaction.
Malgré tous les nouveaux moyens de lutte contre le Sida, et les nombreuses campagnes de prévention, les chiffres des nouvelles contaminations, qui ont beaucoup baissé depuis les années 1980, se mettent à stagner dans les années 2010. « On voyait que le préservatif n’était pas suffisant, il y avait un angle mort dans la prévention », témoigne Florence Thune.
En 2016, intervient alors un nouveau progrès important dans la prise en charge du VIH : la PrEP, pour « prophylaxie pré-exposition ». Il s’agit d’un traitement dont peuvent bénéficier les personnes qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas utiliser de préservatif. « C’est une vraie démarche de santé, avec des tests tous les trois mois, un vrai suivi », explique Florence Thune. En mars dernier, l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS) a publié les résultats d’une étude de trois ans, qui confirment l’efficacité du traitement contre les infections au VIH. Sur un total de près de 3.000 participants, seules six personnes ont été infectées, et toutes avaient interrompu la PrEP avant l’infection, indique l’ANRS dans un communiqué.
De nouveaux défis à venir
Désormais, les associations de lutte comme Sidaction espère voir l’accès à la PrEP élargi. Pour faire un pas dans ce sens, le ministère de la Santé a annoncé fin mai que le traitement pourrait être prescrit par tous les médecins, et en particulier les généralistes, dès le 1er juin 2021.
Pour améliorer la prise en charge des patients, elles misent aussi beaucoup sur la lutte contre les discriminations envers les personnes séropositives, dont le nombre est estimé à plus de 170 000 en France. « Elles empêchent souvent aux personnes de parler de manière ouverte de leur séropositivité, peuvent pousser à prendre les traitements en cachette, et donc être dans de mauvaises conditions d’accès au traitement« , explique Florence Thune. « Certaines personnes refusent aussi de se faire dépister parce qu’elles ont trop peur d’être séropositives, et de subir des discriminations. »
Les patients espèrent aussi pouvoir bénéficier dans les années à venir de traitements moins lourds, à prendre de manière plus espacée, tous les mois ou tous les trois mois, plutôt que tous les jours. « Et pourquoi pas aller vers la rémission, et contrôler définitivement le virus », espère Florence Thune.