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VIH : nous avons rencontré Elodie, écoutante à Sida Info Service

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source : neonmag

Le 1er décembre est la journée mondiale de lutte contre le VIH. À cette occasion, nous avons rencontré Elodie, écoutante. Pour Sida Info Service, elle renseigne les uns, conseille les autres, et les écoute tous et toutes. Interview.

 

Selon les chiffres de l’ONUSIDA, 36,9 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde (dont 152 000 en France), en 2019. En France, en 2017, ils étaient 6 424 à découvrir leur séropositivité contre 6003 en 2016 et 30% l’ont appris à un stade avancé de la maladie. Le Sida est la quatrième phase d’évolution du VIH, mais grâce aux traitements, de moins en moins de personnes séropositives la développent. Environ 23,3 millions de personnes seulement ont eu accès aux autres traitements anti-VIH dans le monde. La « nouveauté » ? La PreP, le traitement préventif autorisé en France depuis 2016 qui, grâce à une prise quotidienne, permet de se prémunir du VIH. Malheureusement, ce traitement est encore peu répandu. Et puis, par manque d’information, les personnes séropositives sont toujours stigmatisées et osent difficilement parler ou aller se faire dépister.

C’est anonymement, et par téléphone que certains trouvent le courage de s’informer et parfois, de déballer toute leur histoire. Sida Info Service est l’un des acteurs principaux de la lutte contre le VIH. Depuis 1990, l’association tient une ligne d’écoute, à travers laquelle des salariés proposent leur oreille attentive, rassurent, calment et prodiguent des conseils sur le VIH, mais aussi sur les autres infections sexuellement transmissibles (IST) et la santé sexuelle en général. En 2018, l’association a reçu 200 000 coups de téléphone, 9 500 mails et plus de 4 millions de personnes ont visité leur site. Elodie fait partie de ces écoutants professionnels. Chaque jour, elle écoute les récits souvent douloureux de ceux qui s’inquiètent, se questionnent, ceux qui sont perdus et des autres, qui remettent tout en question.

 

En quoi consiste le travail d’une écoutante ou d’un écoutant de Sida Info Service ?

Ça consiste à répondre au numéro vert et à prendre des appels. On a une formation médicale pour pouvoir répondre aux questions sur les modes de transmission, les traitements, les différents modes de prévention, mais le travail d’une écoutante c’est aussi et surtout savoir écouter ce que la personne nous dit. On sort assez vite des maladies en tant que telles pour parler du contexte dans lequel se fait l’appel. On demande quelle relation la personne a eue, qu’est-ce qui fait que ça pose question, de quelle manière, et on développe avec les personnes ce qu’il y a autour. Il faut prendre le temps de cerner un peu le problème pour ensuite donner la bonne orientation, un centre de dépistage par exemple. Les personnes appellent souvent quand ils sont en situation de crise et cet appel leur permet de réaliser plein de choses. On se prend la première charge et on les réoriente. Et moi, j’espère que ces personnes suivent cette orientation…

 

Pourquoi est-ce que vous avez voulu faire ce travail ?

Je me suis retrouvée là un petit peu par hasard, des expériences de la vie… J’ai été pendant 3 ans écoutante bénévole sur une ligne de prévention et de lutte contre le suicide. Ce n’était pas un boulot, c’était bénévole, mais ça m’a énormément appris, apporté, notamment une bonne expérience de l’écoute. Donc quand j’ai vu la fiche de poste pour SIS, c’était cohérent en tout point avec ce que je savais faire et ce que j’avais envie de faire.

 

C’est un métier difficile, vous êtes confrontée toute la journée à une dose de stress, d’angoisse… Qu’est-ce qui vous motive à le faire ?

C’est un travail difficile, mais c’est très riche dans le contact humain. On rentre vraiment dans une intimité très particulière avec l’autre. Le fait que ça soit anonyme, confidentiel, en plus on parle de sexualité… Les gens me confient des choses sur leur vie, leurs pensées, ce qu’ils ressentent, ce qui leur arrive… Les échanges qu’on peut avoir avec les personnes sont très intenses. Il y a beaucoup d’émotion.

 

Ces appels sont très forts émotionnellement, est-ce que vous vous souvenez d’une histoire particulière qui vous a marquée ?

J’ai des histoires en tête qui sont un peu douloureuses donc que je ne vais pas aborder ça ici, mais prenons des exemples d’appels. Ce sont souvent des gens qui appellent avec beaucoup d’angoisse, beaucoup de peur, un ton de voix très rapide. Ils sont à fleur de peau, il y a parfois des larmes. Beaucoup d’appels concernent des personnes qui ont des rapports en dehors de leur couple officiel ou des relations avec des prostituées. Nous avons aussi beaucoup d’ados sur le chat qui découvrent la sexualité et qui ont des questions par rapport à ça. Non seulement sur la prévention, mais aussi sur les questions physiques, psychologiques… Il y a peu j’ai eu au téléphone un homme marié qui allait de temps en temps avec des hommes sur des lieux de drague pour avoir des rapports sexuels.

Il en ressentait du dégoût, de la culpabilité et il en est venu à me demander : « Mais pourquoi je fais ça ? ». Je n’ai pas vraiment la réponse, mais dans ces cas-là on peut essayer de voir ensemble s’il y a des points qui s’éclairent et si on peut réussir à le comprendre. Il y a aussi des cas de viol. En général ce n’est pas le but premier de leur appel. On commence par le VIH et les IST, mais on va très vite vers autre chose.

 

C’est un travail extrêmement difficile psychologiquement et émotionnellement, quelle est votre technique pour ne pas l’emmener à la maison ?

Au début c’était assez compliqué au niveau des images que j’avais en tête. Parler toute la journée de fellation, de cunnilingus, de pénétration et d’éjaculation, au début c’est exotique, mais très vite ça peut devenir envahissant. J’ai mis du temps à ne pas me laisser envahir par tout ça. C’est le début surtout qui est difficile, maintenant tout ça est devenu un peu plus mécanique, ça va beaucoup mieux. Par contre au niveau émotionnel parfois on rentre chez soi et on n’est pas forcément au top. Heureusement au sein de la structure on a des supervisions, des régulations avec des psychologues pour parler des appels difficiles et qu’on a du mal à gérer. Entre collègues aussi.

On est proches les uns des autres, on travaille tous dans la même salle d’écoute. Si on voit qu’un collègue n’est pas bien, que c’est un appel difficile, on le met en pause et on prend le temps de parler un peu et de libérer des émotions, s’il y en a. Il y a de l’autorégulation entre nous. Et puis c’est difficile de raconter à son entourage, à ses proches. Les gens s’attendent souvent à des petites anecdotes rigolotes. On en a aussi, mais la plupart du temps ce n’est pas rigolo.

 

C’est quoi l’avenir de Sida Info Service selon vous ?

On est déjà en train de diversifier nos champs de compétences. Avant les appels étaient beaucoup liés aux VIH et au soutien des personnes séropositives. On le fait toujours, on est là pour les personnes touchées par le virus, pour leurs proches, leur entourage, pour les accompagner, mais il y a aussi tout l’autre champ de personnes avec lesquelles on parle d’autre chose. Le VIH et les IST en général sont la porte d’entrée pour parler de santé sexuelle. On se dirige déjà presque malgré nous vers ça. Il y a une diversité de raisons d’appel qui est assez étonnante en fait. On parle à tout le monde. C’est ça qui est extraordinaire.

Pour en savoir plus, RDV sur Sida Info Service.or

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