source : Les Echos
Le laboratoire américain Merck-MSD lance en France un nouveau médicament contre le VIH-sida. Dans les pays développés, il faut s’adapter au vieillissement des patients atteints de cette maladie.
Depuis quelques jours, la panoplie dont disposent les médecins pour traiter le VIH-sida en France s’est enrichie d’un nouveau médicament. Le laboratoire américain Merck-MSD a lancé le Pifeltro et le Delstrigo, une trithérapie. D’autres produits de la même famille sont déjà sur le marché, notamment l’Edurant de Janssen (Johnson & Johnson). « Ce produit est particulièrement bien toléré, facile d’utilisation et moins sensible que d’autres aux résistances », se félicite Christine Katlama, spécialiste du VIH à la Pitié Salpêtrière à Paris.
En tout cas dans les essais cliniques, car « il commence seulement sa carrière maintenant, avec l’utilisation dans la vraie vie », reconnaît le médecin. Mais pour donner au Pifeltro-Delstrigo une chance de se faire vraiment une place sur un marché déjà très encombré, Merck-MSD l’a volontairement positionné à un prix nettement inférieur à celui de ses équivalents. A 470,97 euros par mois, le coût du Delstrigo est en effet inférieur de 35 à 40 % à celui des trithérapies les plus récentes, comme le Biktarvy de Gilead ou le Triumeq de ViiV, filiale de GSK, lancées l’an dernier.
En France, Clarisse Lhoste, qui dirige la filiale tricolore de Merck-MSD, espère qu’il « permettra de traiter de 20.000 à 25.000 patients », notamment ceux dont la maladie est sous contrôle, mais qui ont besoin de changer de molécule.
Nouveaux mécanismes d’action
Au plan mondial, les analystes américains estiment son potentiel et celui du Delstrigo à quelque 500 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2023. Pour Merck-MSD, c’est avant tout un moyen de continuer à exister sur le marché du VIH qui croît de 3 à 4 % par an et devrait atteindre les 30 milliards en 2023. Le groupe américain mise bien davantage sur sa prochaine molécule, l’islatravir, actuellement en phase II d’essais cliniques, qui repose sur un mécanisme d’action complètement nouveau.
Si l’infection au VIH est maintenant assez bien contrôlée chez les malades des pays développés , de nouveaux besoins apparaissent. Ils sont liés à l’augmentation de l’âge moyen des patients qui ont aujourd’hui une espérance de vie comparable à celle des personnes non infectées. « On a besoin de molécules avec de nouveaux mécanismes d’action pour élargir les choix thérapeutiques et faire face de façon individualisée aux résistances chez des patients qui ont maintenant parfois une histoire de traitement de plus de vingt ans », explique Jean-Claude Tardy, virologue à l’hôpital de la Croix-Rousse à Lyon.
Bithérapies
« Il faut aussi des molécules avec des durées d’action plus longues, pour permettre une meilleure adhésion au traitement », explique Michel Joly, patron de la filiale française de Gilead, dont les produits traitent la moitié des 145.000 patients français. « L’objectif serait de remplacer le comprimé quotidien par une injection sous-cutanée mensuelle, poursuit Michel Joly, en attendant peut-être, un jour, un traitement curatif auquel nous travaillons aussi ».
Et les molécules doivent aussi être bien tolérées, car les personnes de plus de 50 ans ont souvent d’autres problèmes de santé qui nécessitent des traitements. Les antirétroviraux doivent pouvoir être pris en même temps, sans interactions médicamenteuses néfastes. L’une des pistes suivies consiste à « passer à des bithérapies chez les patients bien contrôlés, pour réduire le nombre de molécules et donc d’interactions », explique Christine Katlama. C’est ViiV qui s’est engagé dans cette voie avec le Juluca et le Dovato. Reste à savoir si ces bithérapies seront assez efficaces à long terme. Même dans les pays développés, on n’en a donc pas encore fini avec le VIH.