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SIDA: « C’est insupportable de devoir cacher notre maladie », témoignage d’un Montpelliérain

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Source: MidiLibre

43 % des porteurs du VIH le cachent à leurs proches. À Montpellier, témoignage de Laurent, diagnostiqué depuis 30 ans, qui ressent toujours le poids des préjugés.

« Quand j’ai appris que j’avais le Sida, j’étais sidéré. » À 25 ans, alors qu’il décide d’effectuer un dépistage sur les infections sexuellement transmissibles (IST), à Montpellier, Laurent découvre qu’il est séropositif. « Je suis resté sous le choc. Je croyais que j’étais tout seul à être atteint. J’ai tout de suite senti le poids de la discrimination et de la stigmatisation. »

Deux ans plus tard, Laurent tombe amoureux, apprend à son partenaire qu’il a le VIH (virus de l’immunodéficience humaine), surmontant ainsi la maladie.

30 ans et persuadé qu’il va mourir

Jusqu’à ses 30 ans, sa famille ne sait rien de son état de santé. Jusqu’au jour où, alors que les symptômes – déficit immunitaire, maladies opportunistes- l’assaillent, il brise le secret et organise une « fête monstre », pour son trentième anniversaire, « persuadé que j’allais mourir. J’ai perdu treize amis en deux ans, un tous les deux mois en moyenne. Forcément, ça plombe. »

Toujours la peur d’être jugé, discriminé, rejeté

Avec l’arrivée des premières trithérapies en 1996, alors que Laurent n’a quasiment plus d’immunité, il se remet à espérer : « J’ai fait le deuil que je n’allais pas mourir. » Architecte d’intérieur à Paris, il doit toutefois se résoudre à arrêter de travailler pour penser à lui. Des voyages au bout du monde, avec un grand ami, le font tenir, dans un corps qui « se dégrade » et dont il « a honte ». Aujourd’hui, Laurent est « séro-indétectable », son risque de transmission est nul. « J’assume et je n’ai pas peur de le dire. Mais on est quand même peu à l’afficher. Les gens ont toujours peur d’être jugés, discriminés, rejetés, même si ça peut paraître irrationnel. »

À 55 ans, il s’est réapproprié son corps. Il est aussi devenu administrateur au sein de l’association Envie, qui accompagne les personnes notamment touchées par le VIH, et a suivi une formation de « patient intervenant en éducation thérapeutique », au CHU de Montpellier. Depuis, il coanime des ateliers avec un soignant et témoigne lors de congrès, à la fac, à l’institut de formation en soins infirmiers. « Les personnes sous traitement depuis au moins six mois et en charge virale indétectable, sans IST, ne sont plus transmissibles du virus », explique-t-il.

« Nous ne sommes plus dangereux »

« Le gros problème, poursuit Laurent, c’est que cette information est mal communiquée auprès du grand public. C’est toujours la même chose : avant, on devait se justifier pour expliquer qu’on était contaminant. Aujourd’hui, on doit se justifier pour expliquer qu’on ne l’est pas. » Autrement dit, rien n’est acquis. « La maladie reste toujours aussi taboue et discriminante car la peur de la transmission est ancrée. C’est insupportable de se cacher en 2018, car nous ne sommes plus dangereux. Le danger vient de ceux qui sont porteurs du virus sans le savoir et sans passer par la case dépistage. Il faut franchir le pas pour réhabiliter et inclure les personnes porteuses du VIH. »

Le point de vue du médecin

Au CeGIDD, centre de dépistage de Montpellier, chaque année 7 000 personnes se font dépister, de façon anonyme et gratuite, pour le VIH.

« On peut être traité le jour même et, au bout de six mois, le virus devient indétectable dans le sang et la personne n’est plus contaminante. Médicalement, c’est une certitude, assure Vincent Tribout, médecin référent du Cegidd. on le sait depuis dix ans, mais les gens ont gardé l’angoisse d’être contaminés, alors qu’elle ne devrait plus exister. la société change plus doucement que les réalités. »
Selon une étude menée par le laboratoire pharmaceutique Gilead Sciences, en partenariat avec l’institut Ipsos, 43 % des personnes vivant avec le virus du VIH cachent toujours leur maladie à leurs proches.

LAURIE ZENON
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