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Sida : du nouveau sur la piste des contrôleurs du VIH

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Source : PourLaScience.fr

Chez certains porteurs du VIH qui ne développent pas le sida (les contrôleurs du VIH), des cellules immunitaires connues pour alerter leurs consœurs se sont révélées capables de tuer elles-mêmes les cellules infectées.

Alors que le virus du sida (VIH) a encore entraîné la mort de un million de personnes dans le monde en 2016, un petit groupe d’individus infectés – moins de 0,5 % des 36,7 millions recensés fin 2016 par l’Organisation mondiale de la santé – résiste au virus sans l’aide d’une quelconque thérapie. Ces « contrôleurs du VIH », recrutés au niveau national dans la cohorte ANRS Codex, intéressent les chercheurs depuis longtemps, mais les mécanismes qui leur confèrent cette résistance sont encore loin d’être bien compris. Les équipes de Lisa Chakrabarti, au laboratoire Virus et immunité, à l’institut Pasteur à Paris, et de Stéphanie Gras, à l’université Monash, en Australie, viennent d’en découvrir un nouveau. Elles ont montré que des cellules du système immunitaire connues habituellement comme lanceuses d’alerte, des lymphocytes T CD4+, deviennent capables de tuer des cellules infectées par le VIH lorsqu’elles présentent certaines caractéristiques.

Des lymphocytes interviennent directement pour tuer les cellules infectées

Les lymphocytes T CD4+ sont des acteurs clés du système immunitaire : ils envoient des signaux moléculaires qui déclenchent la production d’anticorps dans d’autres cellules ou qui alertent des cellules tueuses, tels les lymphocytes T CD8+, de la présence de cellules infectées à éliminer. Ils gardent aussi une mémoire des agents pathogènes rencontrés. Par ailleurs, à partir des années 1980, plusieurs travaux sur diverses maladies virales ont suggéré que ces lymphocytes étaient aussi capables d’intervenir directement pour tuer les cellules infectées.

Toutefois, dans le cas du VIH, les cellules T CD4+ étant les premières cibles du virus, on a longtemps pensé qu’elles ne constituaient pas la meilleure piste pour contrôler son expansion. Les chercheurs se sont donc concentrés sur les lymphocytes T CD8+ des contrôleurs du VIH et, de fait, ils ont mis en évidence chez ces patients une population spécifique de cellules plus efficaces que les autres pour reconnaître le virus et ses mutants. Mais était-ce le seul mécanisme à l’œuvre ?

Manifestement non. Depuis quelques années, en effet, plusieurs études suggèrent que des lymphocytes T CD4+ contribueraient aussi à l’élimination des cellules infectées chez les contrôleurs du VIH, et Lisa Chakrabarti et ses collègues apportent à présent une confirmation de cette hypothèse en révélant le mécanisme qui transforme ces cellules en tueuses.

Des lymphocytes T+ particulièrement efficaces

En 2016, l’équipe avait déjà franchi une étape. Elle avait montré que des lymphocytes T + des contrôleurs du VIH sont particulièrement efficaces pour reconnaître un fragment assez stable de la capside du virus, le peptide Gag293, grâce à des récepteurs étonnants. Lors d’une infection, des cellules immunitaires capturent les virus rencontrés et les digèrent, puis en présentent les fragments résultants à d’autres cellules immunitaires, dont les lymphocytes T CD4+. Ces cellules reconnaissent alors les fragments à l’aide de récepteurs, les TCR. Chaque humain exprime près de 20 millions de versions de ces récepteurs parmi l’énorme répertoire des récepteurs TCR possibles (>1015), et deux individus partagent environ 5 % de versions, nommées « TCR publics ». Or les chercheurs ont détecté une fréquence de TCR publics élevée chez les contrôleurs du VIH.

De plus, ces TCR publics se sont révélés capables de reconnaître le fragment viral même si la molécule qui le leur présentait – HLA – variait. Comme les TCR, les molécules HLA sont propres à chaque individu et, en général, un TCR ne reconnaît qu’un type de HLA. Or certains des TCR publics des contrôleurs du VIH sont capables d’identifier le peptide Gag293 présenté par cinq molécules HLA différentes !

T Cell receptors© Lisa Chakrabarti

D’autres études seront lancées chez l’animal

Dans leur dernière étude, les chercheurs ont décrit le mécanisme qui rend ces TCR publics si performants. Par cristallographie, ils ont montré que ces récepteurs reconnaissent une région précise du peptide Gag293 et que celle-ci n’est pas modifiée lorsqu’elle est présentée par l’un ou l’autre type de molécule HLA. Par ailleurs, ces TCR publics entrent surtout en contact avec le peptide et peu avec HLA, ce qui limite l’influence de cette molécule. Enfin, transférés à des lymphocytes T CD4+ et T CD8+ de donneurs sains, ces TCR publics les rendaient capables de tuer des cellules infectées par le VIH en culture.

Les chercheurs tentent maintenant de mettre au point un traitement par transfert de TCR public : « Nous cherchons à établir une preuve de concept sur un modèle animal, explique Lisa Chakrabarti. Le projet sera d’introduire le TCR intéressant dans des cellules souches humaines, d’injecter ces cellules à des souris immunodéficientes, de laisser se reconstituer un système immunitaire « humanisé » chez elles, puis de tester la capacité des souris à contrôler une infection par le VIH. Si un contrôle viral est observé, d’autres études seront lancées chez l’animal pour s’assurer de l’innocuité du vecteur portant le TCR avant d’envisager un essai clinique. L’objectif serait de parvenir à rendre « contrôleurs » des patients qui ne l’étaient pas, afin, un jour, d’arrêter la thérapie antirétrovirale. »

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