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Stephan Vernhes, à propos du chemsex: « Il faut remettre du lien dans la communauté pour qu’on puisse en parler »

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Source: hornetapp.com

Stephan Vernhes est le responsable du Spot Beaumarchais, le Centre de santé sexuelle de Aides. Il y anime tous les mardis un atelier sur le chemsex, intitulé Chillout chemsex. Depuis la création de l’atelier en 2016, il a vu passer plus d’une centaine d’usagers. Dans le cadre de notre série d’articles consacrés au chemsex, nous avons interrogé Stephan Vernhes sur son expérience comme animateur d’un groupe de parole consacré au chemsex.

Comment définis-tu le chemsex? C’est simple. Ça vient de l’anglais chemical et de sex. C’est l’utilisation de produits psycho-actifs, de drogues, en contexte sexuel. Ce n’est pas quelque chose de nouveau. L’utilisation de produits en contexte sexuel chez les gays, ça a toujours existé. Ce qui est nouveau, c’est qu’il y a une évolution dans les produits. Notamment il y a une présence du GHB/GBL, le « G », qui semble prendre de plus en plus d’importance, ou qui du moins semble avoir des conséquences de plus en plus négatives. La deuxième chose, c’est que depuis quelques années sont apparus de nouveaux produits de synthèses qu’on appelle des cathinones. Cela a complètement changé la donne. Déjà, elles sont à un prix nettement moins élevé que, par exemple, la cocaïne. Ils sont très facilement accessibles via le net, donc il n’y a plus besoin de passer par un dealer. Et ces produits ont un effet qui est très addictif, de consommation compulsive. Du coup, comme c’est très peu cher, des garçons en achètent en grande quantité. Et quand arrive le week-end le vendredi soir ils se retrouvent avec peut-être 5, 10 ou 15 grammes devant eux et les comportements compulsifs vont faire qu’ils vont aller jusqu’au bout de cette consommation. Il y a aussi des garçons à Paris qui consomment des produits et vont très bien. Il ne faut pas non plus faire une généralisation et dramatiser. Mais — sans avoir de chiffres — on sent par nos réseaux, par nos potes, par ce qu’on peut lire, qu’il y a de plus en plus de gars en difficulté. Donc nous essayons de mettre en place un certain nombre de choses  pragmatiques pour venir en soutien.

On parle régulièrement de décès suite à des séances de chemsex… Oui, ça arrive. A Lyon, la première semaine de septembre, il y a quatre décès par overdose en quinze jours. On ne sait pas exactement pourquoi mais on sait que c’est lié au chemsex. Après il y a aussi des phénomènes de poly-consommation. Cet été, des sites ne vendaient plus l’une des cathinones la plus utilisée qui s’appelle la 3MMC. Donc certains se sont rabattus sur d’autres produits qu’ils connaissaient mal, donc qu’ils maîtrisaient mal, et ont rajouté d’autres produits par dessus, notamment le GBL. Cette poly-consommation peut entraîner des overdoses et des décès.

D’autres villes françaises sont-elles touchées? Je sais qu’à Montpellier, Nice ou Lyon, on entend parler de ça. J’ai créé le groupe chemsex au Spot en novembre 2016. Entre mai et septembre 2016, sur 700 amis sur Facebook, qui sont parfois juste des gens que j’ai croisés, j’en ai perdu six. Six en l’espace de six mois. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose qui se passait. Plutôt que de crier au loup et de paniquer, j’ai préféré voir quelle réponse pragmatique on pouvait apporter en tant que communauté pour soutenir et aider ces garçons.

Lors d’une discussion, Philippe Mangeot (ancien président d’Act Up-Paris, co-scénariste de 120 battements par minute) m’a dit que ces morts de jeunes hommes, avec des causes du décès qu’on ne nommait pas, lui rappelait beaucoup les débuts du sida. Est-ce une analogie que tu pourrais faire? Il y a un parallèle qu’on peut faire avec le VIH/sida. Moi je le ferais plus dans le fait qu’on appris de cette lutte, lors de ces années là. Dans la manière dont on traite le chemsex, il y a un vrai besoin de travailler en groupe, professionnels de santé, associatifs et chemsexeurs eux-mêmes. Nous sommes tous en train de monter en compétence et nous apprenons tous ensemble à réfléchir et avancer. C’est ce que nous avons appris de la lutte contre le VIH et c’est là qu’on peut faire le parallèle, je crois. Cette solidarité communautaire est très importante pour moi actuellement. Je crois qu’on est en train aussi de briser une forme de tabou. Tout le monde savait que ça existait mais on n’arrivait pas à en parler. Je pense que Aides, avec en particulier la magnifique tribune d’Aurélien Beaucamp [président de Aides], a eu un vrai rôle pour briser ce tabou et de mettre le phénomène du chemsex dans la lumière pour pouvoir en parler et arrêter de se cacher derrière son petit doigt.

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