Source : SciDev.Net
La probabilité que les pays africains atteignent les objectifs de dépistage du VIH et d’utilisation du préservatif d’ici 2030 n’est que de 12,1% et 28,5% respectivement, ce qui fait du besoin de tests et de traitements supplémentaires une priorité, selon une étude de modélisation.
Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH / sida (ONUSIDA) a lancé des objectifs ambitieux en 2014 pour mettre fin à l’épidémie de sida d’ici 2030, en s’assurant que 95% des malades sont diagnostiqués et que 95% des personnes séropositives prennent des médicaments contre la maladie.
L’étude a estimé la probabilité pour 38 pays africains d’atteindre les objectifs, en utilisant une méthode basée sur la population et menée de 2003 à 2018, impliquant 1 456 224 adultes sexuellement actifs âgés de 15 à 49 ans.
«Bien que de nombreux pays aient des tendances à la hausse dans le dépistage du VIH et l’utilisation du préservatif, le taux annuel d’augmentation est trop lent et les probabilités d’atteindre les objectifs de l’ONUSIDA étaient très faibles», déclare Stuart Gilmour, co-auteur de l’étude et professeur de biostatistique et bioinformatique à l’université internationale de St. Luke au Japon.
“Bien que de nombreux pays aient des tendances à la hausse dans le dépistage du VIH et l’utilisation du préservatif, le taux annuel d’augmentation est trop lent et les probabilités d’atteindre les objectifs de l’ONUSIDA étaient très faibles”
Stuart Gilmour, université internationale de St. Luke, Japon
En 2019, il y a eu 690 000 décès liés au sida et 1,7 million de nouvelles infections, les jeunes femmes et les adolescentes représentant environ 25% des nouvelles infections en Afrique subsaharienne, bien qu’elles représentent environ 10% de la population, selon l’ONUSIDA.
L’étude, qui a été présentée à la fin du mois de janvier à la conférence 2021 sur la recherche pour la prévention du VIH, a identifié sept pays présentant des tendances à la baisse du dépistage annuel du VIH. Ce sont le Bénin, le Congo-Brazzaville, la Gambie, le Ghana, la Guinée, Madagascar et la Sierra Leone. Le Tchad, Madagascar, le Niger et le Soudan du Sud ont pour leur part présenté des tendances à la baisse dans l’utilisation du préservatif.
Mais l’étude prédit un taux de dépistage annuel élevé du VIH en 2030 dans des pays comme Eswatini (92,6%), le Lesotho (90,5%) et l’Ouganda (90,5%). Pour l’utilisation du préservatif, les trois premiers pays sont l’Eswatini (85%), le Lesotho (75,6%) et la Namibie (75,5%).
Bien que des progrès significatifs aient été accomplis au cours des dernières décennies vers l’objectif de couverture des tests, cette étude n’a trouvé que de très faibles chances pour les pays africains d’atteindre les premiers objectifs de l’ONUSIDA d’ici 2030.
«C’est important que les pays africains et les citoyens de ces pays comprennent, car le VIH est un problème majeur de santé en Afrique et il ressort de nos résultats que davantage doit être fait pour le contrôler», explique Stuart Gilmour à SciDev.Net. «Le VIH ne peut pas être éliminé sans une couverture très élevée de tests et de faibles niveaux de comportements à risque ; il est donc important de comprendre quelles sont les tendances de ces comportements pour savoir si les pays africains sont sur la bonne voie pour contrôler ou éliminer le VIH», ajoute-t-il.
Les pays africains doivent décider de la meilleure façon d’utiliser leurs ressources pour lutter contre le VIH, mais d’un point de vue international, le retrait de l’aide étrangère et de l’aide au développement pour la santé ciblant le VIH/SIDA doit être reconsidéré, explique le chercheur.
«L’attention portée au VIH/SIDA a diminué au cours de la dernière décennie…, mais de nouveaux efforts seront nécessaires si nous voulons nous assurer que le VIH sera éliminé à l’avenir», ajoute-t-il.
Linda-Gail Becker, professeur de maladies infectieuses à l’université du Cap en Afrique du sud affirme que les résultats de cette étude révèlent un problème plus important qui couve dans la réponse collective au VIH.
«Le dépistage et les préservatifs sont à la base même de la riposte au VIH. Si nous ne sommes pas sur la bonne voie sur ces deux aspects fondamentaux, alors il y a vraiment une très grande préoccupation sur de nombreux autres problèmes comme les objectifs de traitement et de prévention», dit-elle à SciDev.Net.
Pour Linda-Gail Becker, chaque pays doit examiner sa propre situation par rapport au VIH et décider d’une réponse adaptée qui aura un impact sur les nouvelles infections ainsi que sur la réduction des cas et des décès.
«Nous avons encore beaucoup à faire en Afrique sur le sida et bien que le COVID-19 nous ait tous frappés durement, nous ne pouvons pas nous permettre baisser les bras sur une épidémie qui nous a auparavant mis à genoux», dit-elle.