Source : JIM
Parmi les patients infectés par le VIH a été notée, au cours de ces deux dernières décennies, un triplement de la prévalence des maladies cardio-vasculaires (MCV). Le risque d’infarctus du myocarde est ainsi multiplié par 2 dans cette population. L’inflammation liée au virus est un des facteurs majeurs de cette augmentation, les marqueurs inflammatoires et de la coagulation étant étroitement associés à la survenue des évènements pathologiques CV dans ce contexte.
Pas la même athérosclérose que dans la population générale
M. Mc Laughlin a suggéré que les taux d’ADN et d’ARN-VIH pouvaient être associés à l’importance du développement de l’athérosclérose et que ces 2 paramètres pouvaient être corrélés, à la fois à la persistance du virus, à l’EIM carotidienne et aux marqueurs inflammatoires chez les individus VIH+ traités par ART. Il a mené une étude chez des personnes dont, sous traitement, la charge virale (CV) était indétectable durant les 6 mois précédents. Les participants avaient été recrutés parmi les patients de 2 hôpitaux californiens, entre le 1er Janvier 2003 et le 31 Décembre 2012. A côté de la mesure de l’IM carotidienne, plusieurs éléments ont été pris en compte : histoire médicale, données socio-démographiques, modalités des traitements, symptomatologie clinique…L’EIM a été mesurée de façon itérative par ultrasonographie en mode B à haute résolution en différents sites des artères carotidiennes et de leur bifurcation, 12 mesures étant réalisées puis la moyenne retenue. Une plaque était définie par une EIM supérieure à 1,5 mm et sa progression suivie annuellement. Dans le même temps étaient mesurés, à l’inclusion dans l’étude les taux d’ARN et d’ADN, de CD4, ainsi que de divers marqueurs d’inflammation : taux d’interleukine 6, tumor necrosis factor, C réactive protéine, CD 14 soluble et CD 163, enfin D dimères. La moyenne de suivi (DS) a été de 4,2 (2,7) ans ; les données recueillies exploitées entre Février 2018 et Mai 2020.
Apparition ou progression de plaques carotidiennes sur 4 ans
La cohorte inclut 152 participants ; 107 (70,4 %) étaient blancs et 140 (92,1 %) des hommes. Leur âge moyen se situait à 48,5 (IIQ : 43,3- 53,7) ans. La durée moyenne de leur infection VIH était de 13 (IIQ : 10- 17) ans. Leur taux moyen de CD4 était à 461,5 (IIQ : 309, 0- 643,5) et ils étaient sous ART depuis 5,3 (ITQ : 3,8- 7,5) ans ; 91 d’entre eux (59,9 %) étaient fumeurs, 45 (29,6 %) hypertendus, 34 (22,4 %) avaient des antécédents de MCV précoce. Leur risque athéromateux médian, à 10 ans, s’établissait à 5,3 (IIQ : 3,1- 9,3) %. La valeur moyenne de l’ARN VIH cellulaire était de 2158,3 (IIQ : 545,8- 744,6) copies/ 106 T CD4 et celle de l’ADN VIH de 818,0 (IIQ : 98,1- 3423,3) copies, le rapport médian ARN/ADN s’établissant à 2,6 (IIQ :1,2- 12,3). Lors de l’inclusion, l’EIM était, en moyenne de 1,2 (0,3) mm ; sa progression a été de 0,08 mm/an. Au départ, 86 des 152 participants (56,6 %) étaient, déjà, porteurs d’une ou de plaques carotidiennes, avec, par la suite, progression chez 82 d’entre eux. Parmi les 66 sujets indemnes de plaque initialement, on a relevé chez 21 (31,8 %) l’apparition d’une plaque incidente durant la période de suivi. Les facteurs associés à l’importance de l’EIM initiale étaient un âge avancé, un tabagisme, un traitement anti hypertenseur associé, un taux élevé de LDL- lipoprotéine et d’IL6. Par contre, l’EIM n’est apparue associée ni au taux d’ARN VIH ou d’ADN, ni au ratio ARN/ADN, ni au rapport CD4/CD8. La progression d’une plaque déjà présente a été liée, pour sa part, à l’âge, au sexe masculin, à la présence d’une hypertension et à la prise d’anti hypertenseurs.
Association significative entre les taux d’ARN et d’ADN viraux et la survenue d’une plaque carotidienne de novo
Par le passé, il avait été déjà acquis qu’une maladie VIH non ou mal contrôlée était associée à une augmentation du risque de MCV. Toutefois, plus récemment, il a été noté une hausse de l’incidence des infarctus du myocarde et de l’athérosclérose y compris chez des sujets VIH+ dont l’infection était bien contrôlée. Ce travail démontre que des valeurs élevées d’ARN et ADN viraux intra cellulaires sont, de façon indépendante, associées à la survenue d’une plaque carotidienne, même après ajustement des facteurs de risque traditionnels. Il existe donc un lien entre persistance d’un réservoir VIH et pathologie CV, d’où l’importance fondamentale de mise en route rapide du ART et des tentatives de mise au point de traitements ciblant la taille du réservoir du virus. Ce dernier parait d’ailleurs davantage associé à la formation des plaques qu’à leur progression, du fait, possiblement, de mécanismes physiopathologiques différents, avec un rôle plus important des phénomènes inflammatoires lors de la création des plaques carotidiennes. Il est connu que l’athérosclérose liée au VIH diffère de celle affectant la population générale, avec un nombre plus important de plaques non calcifiées et d’inflammation.
Contrôler la persistance du virus
En conclusion, dans l’optique du contrôle de l’infection, les taux d’ARN et ADN intracellulaires du VIH semblent un bon reflet du réservoir viral. Ils sont indépendamment associés à l’apparition de plaques artérielles au niveau des carotides. Il est à espérer que des stratégies thérapeutiques ciblant le réservoir viral, couplées aux mesures générales anti VIH, seront efficaces et préviendront les MCV, fréquentes lors de cette infection.