source : science avenir
Au Cameroun, où avoir un rapport sexuel avec une personne de même sexe représente un crime au regard de la loi, l’homophobie est un frein dans la lutte contre le VIH qui fait pourtant des ravages.
Au moins 37% des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes sont séropositifs au Cameroun, selon une enquête réalisée en 2016 par l’agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID). Alors que dans la population totale, moins d’une personne sur vingt est porteuse du virus.
« Le VIH est très présent dans la communauté homosexuelle au Cameroun, observe Patrick Awondo, anthropologue à l’Université de Yaoundé I. « Et c’est toujours le cas dans les pays où la loi pénalise l’homosexualité », assure-t-il.
Depuis 1972, le code pénal camerounais stipule qu’avoir un rapport sexuel avec une personne de même sexe est un crime passible de 5 ans d’emprisonnement. Si les condamnations sont rares, cela contribue à renforcer un climat homophobe dans la société comme dans les structures sanitaires.
Ainsi, nombre d’homosexuels ont vécu des expériences traumatisantes dans des hôpitaux, où on a parfois refusé en toute illégalité de les soigner à cause de leur orientation sexuelle, témoigne Jean-Paul Enama, directeur exécutif de Humanity First, une association camerounaise de lutte contre le VIH/Sida et de défense des droits des minorités sexuelles.
C’est le cas de Giovanni, 33 ans, travailleur social qui préfère garder l’anonymat: on lui a refusé un test de dépistage dans un hôpital de Yaoundé, après qu’il a parlé de son homosexualité à une infirmière. « Elle m’a dit que son Eglise pouvait me sauver… » raconte-t-il à l’AFP.
« La stigmatisation les éloigne des discours de prévention ou encore des lieux de prise en charge », déplore Patrick Awondo. Les campagnes de sensibilisation à la lutte contre le sida, spots ou affiches, ne ciblent jamais les homosexuels, un frein à la prévention dans leur communauté.
Si la révision du code pénal camerounais en 2016 n’a pas dépénalisé l’homosexualité, le ministère de la Santé a toutefois fait preuve ces dernières années d’un peu plus d’ouverture et de pragmatisme.
Depuis 2011, par exemple, les plans stratégiques nationaux tiennent compte des hommes ayant des rapports avec des hommes dans la lutte contre le VIH. C’est ainsi que des associations comme Humanity First peuvent fonctionner, en ouvrant notamment des centres de santé pour les personnes de la communauté LGTBI.
Là, des dépistages gratuits sont proposés et les personnes séropositives peuvent venir chercher leur antirétroviraux en toute tranquillité. Les associations multiplient également les formations auprès des personnels de santé pour sensibiliser aux droits des minorités sexuelles.
« Ces dernières années, les associations arrivent à travailler », souligne M. Awondo. « Mais dans un contexte comme celui-ci, où les rapports homosexuels restent interdits, il suffit d’une étincelle, et tout pourrait disparaître », ajoute-t-il.