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En France, Giovanna Rincon en résisTrans : militer pour ses droits

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Source : liberation.fr

 

Témoignage de Giovanna Rincon recueilli en France à l’occasion des 50 ans des émeutes de Stonewall.

A quoi reconnaît-on une combattante ? A un parcours semé d’embûches, à la détermination qu’il a fallu pour les affronter ou au courage nécessaire pour apprendre de ses propres failles ? Qu’elle dénonce dans un mégaphone les lois pénalisant le travail sexuel ou qu’elle pousse un coup de gueule contre les violences transphobes, Giovanna Rincon incarne cet esprit de résistance à toute épreuve qui en fait une militante des droits des trans reconnue et respectée.

«Défendre».

Ceci à plus d’un titre. «J’ai senti grandir la révolte en moi au moment où je me suis assumée en tant que femme trans vers 16-17 ans, raconte la quinquagénaire d’origine colombienne depuis les locaux de son association, Acceptess-T, dans le Nord parisien. A Bogotá, dans les années 80, les homos étaient persécutés par les bandes de quartier et la police, accusés de pédophilie ou d’être des pervers.

Pour les trans, c’était pire : les flics nous humiliaient devant tout le monde et, pour sortir du commissariat, nous obligeaient à nous déclarer comme « travestis ». Le sida était omniprésent, mais personne n’en parlait.»

Propriétaire d’un salon de coiffure dès ses 15 ans, l’ado, qui subvient aux besoins de sa famille «très pauvre», commence à militer dans la clandestinité. «On collait des affiches pour informer sur le VIH dans la Septima [une artère centrale de la ville, ndlr], poursuit-elle, mais quand j’ai reçu mon diagnostic en 1990, je me suis dit qu’il fallait que je parte d’ici.»

 De nouveaux obstacles.

Giovanna Rincon prend un aller simple pour Rome en 1993. «J’ai rapidement fait le trottoir. En un mois, j’avais remboursé le crédit pour le billet d’avion et en six mois j’ai pu acheter une maison à ma famille.» Mais en Italie, elle retrouve la brutalité policière de sa jeunesse colombienne. «C’était une époque hyper violente, extrêmement raciste, où il y avait beaucoup d’abus de pouvoir de la police italienne envers les femmes trans étrangères, des agressions à coups de pied et de matraque. Combien de fois je me suis tue ? Je me regardais dans le miroir et je me disais « un jour ça ira, tu pourras parler ».»

Impossible aussi pour une sans-papiers de se faire soigner et d’obtenir des antirétroviraux auprès de médecins italiens sans risquer de se retrouver face aux services d’immigration.«J’ai commencé à être solidaire avec d’autres filles, à faire de l’accompagnement […] et à chercher des avocats pour nous défendre. […] Ce qui a animé mon militantisme, c’est le manque : le manque d’amour, d’argent et d’un toit.»

Lutte.

En 2005, après plusieurs séjours dans les centres de rétention italiens, la coupe est pleine. Elle s’installe à Paris où elle adhère l’activisme politique du groupe Prévention action santé travail pour les transgenres (Pastt) avant de créer cinq ans plus tard sa propre association d’accompagnement des personnes trans, migrantes, travailleuses du sexe, et séropos.

On la retrouve sur plusieurs fronts La reconnaissance du travail sexuel – «un acte politique» – avec le Strass (un syndicat), la lutte contre les violences transphobes en prison, la «déjudiciarisation»du changement d’état civil des trans «qui cumulent discriminations à l’emploi et pauvreté» et l’amélioration de leur qualité de vie. Elle s’interroge : «Est-ce que, cinquante ans après Stonewall, ce n’est pas le moment de demander à l’Etat français la réparation pour la répression, la pénalisation et la psychiatrisation des homos et des trans ?»

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