Source : libération.fr
Pour contrer la méconnaissance de cet outil de prévention contre le VIH, l’association Aides a lancé mardi une campagne d’information d’ampleur nationale. Depuis deux ans, ce traitement n’a séduit que 7000 personnes en France, insuffisant pour juguler l’épidémie.
C’est un comprimé bleu ciel, dont l’efficacité est prouvée, mais encore trop peu connu. La Prep, pour prophylaxie pré-exposition, est depuis un peu plus de deux ans en France l’un des outils de prévention plébiscités par les acteurs de la lutte contre le VIH/sida pour enrayer l’épidémie. Commercialisé depuis le 1er janvier 2016, ce traitement préventif – une pilule de Truvada ou de son générique par jour ou une pilule avant et après un rapport sexuel non protégé – est d’ailleurs remboursé à 100 % par l’assurance maladie, une situation inédite en Europe.
Des publics vulnérables difficiles à atteindre
La méconnaissance de cette méthode de prévention anti-VIH a donc poussé l’association de lutte contre le sida Aides à (ré)agir. Comment ? Par le biais d’une campagne d’information grand public, #Prep4Love, diffusée depuis mardi et jusqu’au 23 juillet en ligne et dans les grandes villes françaises (Paris, Lyon, Marseille, Toulouse ou Lille), la première du genre pour la Prep. Inspiré d’une initiative américaine, cet affichage cherche cependant à toucher en priorité les publics les plus vulnérables à l’infection au VIH difficilement atteignable autrement. «On s’est rendu compte que notre message n’était peut-être pas assez inclusif, admet à ce sujet Camille Spire, membre du conseil d’administration de Aides. Au fur et à mesure, le message commence à passer pour les gays et les bis. Mais la sexualité quand on est une femme migrante c’est parfois un sujet compliqué à aborder.»
Et le réel est souvent là pour le rappeler. «Aujourd’hui, la demande de Prep émane d’une vulnérabilité circonscrite, autrement dit d’individus autonomes dans leur sexualité comme les HSH, complète au téléphone Pauline Penot, responsable du Centre gratuit d’informations, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) de l’hôpital de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Les publics pris dans une myriade de vulnérabilités, par exemple les femmes sans papiers et précaires, font rarement la démarche spontanée de demander un traitement préventif.» Dans son CeGIDD, situé dans le département le plus pauvre de France, cette médecin interniste suit près de 80 personnes en consultation Prep le mercredi après-midi, principalement des HSH mais aussi une douzaine de femmes, fait assez rare pour être souligné. Et pour elle, pas de doute, accéder à la prévention ne va pas sans une prise en charge spécifique et transversale. «La priorité pour nos publics, c’est que l’on s’occupe de leurs besoins immédiats pour améliorer la prise en charge en matière de santé sexuelle, poursuit la Dr Penot. Quand une femme prostituée nigériane a mal aux dents, il faut la prendre en charge pour ses dents. Après cela permet de parler de contraception, de santé sexuelle et de prévention du VIH.»
Trouver d’autres structures pour améliorer l’accès à la PrEP
Autre obstacle : dans certaines régions, l’offre en matière de consultation Prep a vite été dépassée par la demande depuis deux ans, la France comptant environ 300 nouveaux prépeurs par mois. «À Paris, le dispositif est aujourd’hui engorgé et il faut souvent plusieurs mois d’attente pour obtenir un rendez-vous pour une consultation dans les services d’infectiologie dédiés au VIH, soulève François Berdougo, chargé de la réduction des risques à Médecins du monde. Par ailleurs, dans les centres de dépistages, une grande partie du public n’est pas éligible à cet outil de prévention. Il faut donc à la fois augmenter le volume de consultation pour ceux qui savent s’orienter et trouver d’autres types de structures pour améliorer l’accès à la Prep dans les territoires particuliers, par exemple dans les services des urgences ou dans les centres de santé municipaux, pour les publics que l’on n’arrive pas à toucher.» Avec un surcroît de visibilité publique et face l’urgence, les acteurs de la lutte contre le sida espèrent néanmoins une meilleure diffusion de ce traitement préventif à l’avenir, sans mettre de côté les méthodes préventives du VIH jusque-là usitées : le recours au traitement post-exposition (TPE), le traitement du VIH comme moyen de prévention pour les séropos dont la charge virale est indétectable, l’utilisation de matériel à usage unique pour les usagers de drogues, le dépistage régulier du virus et bien évidemment le bon vieux préservatif.