Source : Le quotidien du médecin
L’Association française d’étude du foie (AFEF) vient de publier des recommandations pour l’élimination de l’infection par le virus de l’hépatite C (VHC). Le point clé du texte est la description d’un parcours de prise en charge simplifié destiné aux médecins généralistes qui, pour l’heure, ne sont pas autorisés à prescrire les antiviraux à action directe.
La publication de ces recommandations coïncide avec l’annonce d’un accord entre le comité économique des produits de santé (CEPS) et le laboratoire Gilead permettant la disponibilité de Sovaldi (sofosbuvir), Harvoni (lédipasvir, sofosbuvir), Epclusa (sofosbuvir, velpatasvir) et le futur traitement pangénotypique Vosevi (sofosbuvir, velpatasvir et voxilaprévir) en pharmacie d’officine et plus seulement en pharmacie à usage intérieur. Ces deux événements rapprochent un peu plus la prise en charge de l’hépatite C de la médecine générale.
Sur le papier, l’accès universel au traitement est une réalité en France depuis 2017. Il existe cependant plusieurs freins, à commencer par le recours systématique aux hépatologues. « Une étude américaine montre que l’on est aussi bien traité par un spécialiste que par un généraliste », rappelle le Pr Bureau, secrétaire général de l’AFEF. Selon plusieurs sources proches du dossier, l’ouverture de la prescription aux médecins généralistes pourrait intervenir lors de la présentation fin mars du plan national de santé publique dans le cadre de la Conférence nationale de santé.
Les patients les plus simples en médecine générale
Les experts de l’AFEF prennent les devants, et proposent un parcours simplifié en médecine générale pour les patients qui ne sont ni coïnfectés par le VIH et/ou le VHB, ni insuffisants rénaux sévères, ni alcooliques et sans traitement antiviral C antérieur.
Selon le protocole proposé, les médecins généralistes doivent demander la réalisation d’une charge virale pour confirmer l’infection, et mesurer l’élasticité hépatique. « En enquêtant auprès de 100 médecins généralistes, j’ai constaté qu’un Fibroscan était facilement disponible pour 80 d’entre eux », explique le Pr Victor de Lédinghen, responsable de l’unité Hépathologie et transplantation hépatique du CHU de Bordeaux et co-auteur des recommandations. L’AFEF a fixé des valeurs seuils basses (Fibroscan < 10 kPa, Fibrotest ≤ 0,58 ou Fibromètre ≤ 0,789) au-delà desquelles l’atteinte hépatique est jugée trop importante pour un traitement non supervisé par un spécialiste.
Deux médicaments pangénotypiques sont recommandés par l’AFEF : Epclusa en 12 semaines et Maviret (glecaprevir, pibrentasvir) en 8 semaines. La société savante recommande l’évaluation des interactions médicamenteuses potentielles, sans négliger la naturopathie et l’automédication. Les recommandations de l’AFEF comportent aussi un volet dédié à la prise en charge dans un parcours spécialisé. L’AFEF illustrera bientôt ses recommandations par des tutoriels vidéo sur sa chaîne YouTube.
Le dépistage généralisé
L’AFEF renouvelle son plaidoyer en faveur d’un dépistage généralisé de l’hépatite C et préconise un « dépistage de chaque adulte au moins une fois dans sa vie et prise en charge à 100 % de tous les tests », sans prise en compte des facteurs de risque ou de l’âge.
Certains acteurs comme SOS Hépatites plaident pour un dépistage organisé à partir de 50 ans ce qui constituerait une « perte de chance », selon le Pr Bureau. « Les conclusions du rapport de la HAS de 2014 montrent que le dépistage sur facteur de risque arrive à bout de souffle et entretient l’épidémie cachée », ajoute pour sa part le Pr de Lédinghen.
Prix et accessibilité des traitements
Une autre condition nécessaire à l’accès universel au traitement est la disponibilité des antiviraux à action directe en pharmacie d’officine. C’est déjà le cas du Maviret, et un accord signé entre le comité économique des produits de santé (CEPS) et le laboratoire Gilead garantira bientôt la présence de Sovaldi, Harvoni, d’Epclusa et de Vosevi dans les officines.
Cet accord, confirmé au « Quotidien » par Gilead, devrait être définitivement acté par une réunion du CEPS le 15 mars. Il s’accompagne d’une baisse de prix du traitement de référence Epclusa de 33 %. « L’accord avec le CEPS prévoit que l’ensemble des prix des traitements de l’Hépatite C de Gilead soit identique », nous précise-t-on à Gilead. Ces prix publics seront alignés sur celui de Maviret : 28 700 euros pour une cure complète. Avec de tels prix « on est coût efficace, car on évite des comorbidités, des cancers et des greffes », commente le Pr Bureau.