Si du côté des avancées médicales, l’amélioration des traitements permet à la grande majorité des personnes infectées par le VIH d’exercer une vie professionnelle sans grandes difficultés, les idées reçues constituent encore un obstacle de taille.
Ce phénomène tend à s’amplifier depuis plusieurs années, selon l’Inserm* qui reprend les données d’une étude financée par l’ANRS**, dans le cadre de laquelle les auteurs ont comparé le taux de chômage de ces personnes à celui de la population générale entre 2003 et 2011. Sur cette période, celui-ci est passé de 12,6% en 2003 à 15,8% en 2011.
Mais cette étude ayant été menée au moment de l’importante crise de 2008, « une bonne partie de la population française a souffert de ses conséquences, il n’était pas illogique d’assister à une hausse du chômage chez les personnes séropositives », notent les chercheurs. Pour savoir si cette augmentation était effectivement liée à la crise, les scientifiques ont donc comparé les taux de chômage de ces deux types de population, en utilisant les données de l’Insee.
Un manque de pertinence pour le dispositif de maintien à l’emploi
Ils ont constaté que le taux de chômage des personnes séropositives avait augmenté beaucoup plus vite que celui de la population générale. En détail, la différence entre les deux groupes était de 7% en 2003 et est passée à 10% en 2011. Alors que, paradoxalement, la prise en charge des malades s’est améliorée: 95,5% d’entre eux montraient une charge virale contrôlée en 2011, contre 77,7% en 2003. « En somme, les progrès médicaux ne se sont pas traduits par une amélioration de la situation d’emploi pour ces personnes », clarifie Margot Annequin, responsable de ces travaux.
Et c’est justement le fait que la maladie soit mieux soignée au fil des années qui constituerait la principale raison de ce phénomène. L’auteur précise en effet que les malades sont en meilleure santé, de sorte qu’ils bénéficient plus difficilement du dispositif de maintien dans l’emploi qui octroie un taux de handicap. Pourtant, comme toute personne atteinte de pathologie chronique, « ils ont parfois besoin de faire une pause dans leur activité professionnelle pour leurs soins. Le retour à l’emploi est alors difficile dans un marché très compétitif, et avec la peur que l’infection se sache ».
Des métiers toujours interdits ?
Les personnes d’origine subsaharienne seraient particulièrement touchées, car victimes d’une double discrimination. Néanmoins, l’étude précise qu’après ajustement des résultats selon le sexe, la nationalité, le niveau d’études, l’âge ou la situation familiale, « un écart persiste entre la situation la population générale et celle des personnes vivant avec le virus, vis-à-vis du chômage ».
Ses conclusions vont dans le sens d’un rapport de l’association Aides publié en 2015, qui souligne que des métiers leur sont toujours juridiquement interdits, alors qu’il n’y a aucune contre-indication officielle, une « contradiction directe avec les principes du droit français »: magistrature, armée, police, pompiers. « L’enquête VIH, Hépatites et vous (2011) souligne un risque d’être sans emploi cinq fois plus élevé pour les PVVIH*** que pour la population générale », indique le rapport.
*Institut national de la santé et de la recherche médicale
**Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales
**Personnes vivant avec le VIH/sida
(Source : Santé magazine)