Dans quelques jours ou semaines, l’arrêté sur les conditions d’utilisation des tests rapides à orientation diagnostique (Trod) du VHC sera publié. A sa suite, la mise en place effective des Trod VHC se fera. Comme pour le VIH, il y aura donc une offre de dépistage communautaire faite par des acteurs associatifs formés. L’objectif ? Permettre aux quelque 75 000 personnes qui ignorent vivre avec le VHC de le savoir et d’envisager un traitement qui permet aujourd’hui de guérir de l’infection dans 95 % des cas.
Après des années de mobilisation des associations, les tests rapides à orientation diagnostique (Trod) du VHC sont en passe d’être autorisés pour des militants associatifs et autres acteurs non médicaux. Un arrêté est en cours d’examen au Conseil d’Etat et devrait paraître entre avril et mai 2016. Cet arrêté fixe les nouvelles conditions d’utilisation des Trod VIH et VHC. Une fois l’arrêté publié et les demandes d’habilitation des associations faites, les agences régionales de santé (ARS) auront quatre mois pour rendre leurs décisions et accorder les autorisations. Les Trod VHC pourront alors être utilisés par les associations. L’Etat a prévu des fonds pour les financer. AIDES forme ses militants depuis des mois aux Trod VHC qui viennent compléter l’offre des Trod VIH. Compte tenu des délais administratifs, leur mise en place dans les associations devrait se faire au plus tard en septembre.
Le 12 avril, l’association HF Prévention, devançant la publication de l’arrêté officiel, a organisé une conférence de presse à Paris intitulée : « Hépatite C : renforçons le dépistage grâce aux Trod VHC ». Y sont intervenus deux hépatologues : le professeur Jean-Pierre Bronowicki (CHU de Nancy) et le professeur Christophe Hézode (Hôpital Henri Mondor, Créteil). Les deux experts ont salué l’arrivée prochaine des Trod VHC et cela d’autant plus qu’un nombre important de personnes ignorent qu’elles vivent avec le VHC. Elles seraient entre 75 000 et 100 000 en France selon les dernières données. Dans le monde, plus de 185 millions de personnes seraient infectées, dont 130 à 150 millions de manière chronique, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Une prévalence qui s’élève à un peu moins de 400 000 cas en France, dont 230 000 cas de formes chroniques du VHC, selon des données de 2004. Et parmi ces 230 000 personnes donc, la moitié qui ignorent vivre avec.
Selon des données de 2009, l’incidence serait comprise entre 2 700 et 4 400 nouveaux cas par an. Elle est toutefois difficile à estimer, l’infection étant souvent asymptomatique et la maladie ne bénéficie pas d’un système de surveillance aussi pointu que celui qui existe pour le VIH. Ces estimations sont le plus souvent faites à partir des résultats enregistrés auprès de cohortes de personnes usagères de drogues, une population où le niveau de risque d’infection est élevé. L’hépatite C provoque environ 500 000 décès par an dans le monde. En France, environ 3 000 décès par an sont liés à l’hépatite C. 95 % de ces décès sont liés au moins à une cirrhose, et dans un tiers des cas à un cancer du foie (carcinome hépatocellulaire), conséquence de la cirrhose.
Les deux médecins ont également rappelé que les traitements actuels permettaient d’avoir des taux de guérison d’environ 95 %, avec des traitements plutôt bien tolérés et des durées de traitement assez courtes (trois mois). Jean-Pierre Bronowicki et Christophe Hézode ont également souligné que le VHC n’était pas seulement une maladie du foie, mais bien une « maladie systémique » pouvant, outre l’attaque du foie, conduire au diabète, aux maladies cardio-vasculaires, aux accidents vasculaires cérébraux, etc. Pour les deux médecins, c’est une évidence qu’on peut aujourd’hui éradiquer le VHC, mais cela ne peut se faire qu’à certaines conditions. Il faut d’abord conduire une stratégie de « test and treat ». C’est-à-dire de tester et de traiter précocement. Ce qui demande de prendre en charge « l’ensemble des patients », donc élargir les critères actuels d’inclusion et aller vers le traitement universel. Position raccord avec celle des associations. C’est d’ailleurs ce qu’a rappelé le docteur Pascal Mélin, hépatologue et président de SOS hépatites, lors de cette conférence de presse. Son association a d’ailleurs, de nouveau, interpellé la ministre de la santé, Marisol Touraine, sur l’accès aux traitements pour tous.
Quel est l’intérêt des Trod VHC ? Ce sont des tests d’utilisation simple, au résultat rapide, et pouvant être mis en œuvre de façon délocalisée, les Trod VHC constituent un outil complémentaire aux offres de dépistages et de prévention existantes (tests biologiques par prélèvement sanguin dans les laboratoires d’analyses médicales, les CeGIDD, les hôpitaux, etc.). Ils permettent de renforcer la prévention et le dépistage auprès des populations particulièrement exposées et éloignées des structures de soins ou trop peu dépistées. Par ailleurs, les tests sont plus facilement acceptés du fait qu’ils peuvent être faits par des militants associatifs formés, mais qui ne sont pas des professionnels de santé. Le premier Trod VHC homologué est celui du laboratoire français Nephrotek. Le test s’appelle Toyo et possède le marquage CE. Il s’agit d’un test rapide capable de détecter des anticorps anti-VHC dans le sang, le sérum ou le plasma. Il suffit de prélever une goutte de sang au bout du doigt de la personne testée à l’aide de la pipette fournie dans le dispositif, puis de la mélanger à une goutte de diluant. Le résultat est obtenu en quinze minutes. La lecture se fait en fonction de l’apparition ou non de bandes colorées : une seule bande rouge dans la zone C indique que le test est négatif. Deux bandes, l’une dans la zone C, l’autre dans la zone T, indiquent la présence d’anticorps anti-VHC et signifient donc que le test est positif. Si aucune bande n’apparaît ou si une seule bande apparaît mais dans la zone T, le test est invalide et doit être répété avec un autre dispositif. En cas de test positif, un test de confirmation classique est réalisé en labo. Une partie des personnes possédant des anticorps positifs a pu être infectée dans le passé et avoir guéri spontanément (20% des cas).
Proposer une meilleure offre de dépistage est indispensable, mais pas suffisant si cette dernière n’est pas articulée avec un accès effectif aux nouveaux traitements à l’ensemble des personnes vivant avec le VHC, notamment les 70 000 à 100 000 personnes qui ignorent encore leur infection par le VHC. C’est l’ensemble du dépistage à l’accès aux soins et au traitement qui feront faire un grand pas contre l’hépatite C et son éradication. Aujourd’hui, le traitement est réservé essentiellement aux personnes les plus avancées dans la maladie et les personnes co-infectées VHC/VIH — même si la moitié de ces dernières n’y a pas recours alors qu’elle est éligible. Il faut donc que les critères actuels d’inclusion soient revus, que soit mis en place le traitement universel, que les réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) soient consacrées aux cas les plus complexes et aux choix des stratégies thérapeutiques plutôt qu’à la sélection des patients, que soit envisagée une prise en charge complémentaire en ville (chez les médecins gastro-entérologues) afin d’éviter la surchauffe des services spécialisés dans les hôpitaux, que les prix des nouveaux traitements soient renégociés à la baisse…
On le voit, l’arrivée prochaine des trod VHC est une très bonne chose, mais l’efficacité de ce nouvel outil contre le VHC n’en sera que plus forte, si les autres paramètres sont largement modifiés.