Source: Act-Up Sud-Ouest
Sida, tu as encore de beaux jours devant toi !
Journée mondiale de lutte contre le sida – 1er décembre 2018
L’ONUSIDA* a pour objectif la fin de l’épidémie du sida d’ici à 2030. Étant donné le contexte politique actuel et à moins de 12 ans de cette échéance, cet objectif semble pour le moins illusoire !
La montée en puissance des régimes autoritaires et nationalistes, tels qu’en Europe de l’Est, en Russie et plus récemment au Brésil, ne laisse en effet rien présager de bon. Que cela soit la chasse aux usagerEs de produits aux USA et aux Philippines, les attaques contre les populations LGBTI comme on l’a vu en Grèce avec l’assassinat de Zak, la situation économique en Argentine qui n’a plus de ministère de la santé laissant les séropos sans traitements, l’épidémie de sida a de beaux jours devant elle ! Et comment réagissent les dirigeantEs ? En baissant les dotations pour la recherche ! Dans ces conditions, il est impossible d’atteindre les objectifs annoncés par l’ONUSIDA.
Alors que nous disposons des moyens de combattre l’épidémie, notamment en France, le VIH est toujours là et les contaminations ne baissent pas au sein des populations les plus touchées. Si nous en sommes encore là, c’est par manque de volonté politique de nos dirigeantEs. Par mépris pour les populations clefs voire même de l’hostilité, à travers la promulgation de lois racistes et meurtrières comme la loi Asile-Immigration, et enfin par la baisse continue des subventions aux associations qui s’évertuent tant bien que mal de pallier aux manquements d’un État démissionnaire.
En France, les attaques politiques gouvernementales contre la cohésion sociale sont quotidiennes et nous tuent. Dans ce contexte, il existe actuellement une augmentation des violences LGBTIphobes. Depuis l’assassinat de Vanessa Campos cet été dans une indifférence assourdissante, les violences envers nos communautés n’ont fait que s’intensifier avec en moyenne une agression tous les trois jours. Combien d’entre nous doivent tomber pour que nous puissions espérer une réaction ? Les discriminations ne sont qu’encore trop présentes dans le quotidien des séropos : refus de soins, discriminations au travail et dans la vie affective. Elles ont des conséquences dramatiques : isolement, dépressions, qualité de vie affectée, et donc un état de santé qui se détériore et une prévalence au suicide élevée. Les politiques d’austérité et ultra libérales précarisent et fragilisent encore plus les personnes séropos et font le lit de l’épidémie. Notre système de santé est aussi attaqué et si nous ne faisons rien il deviendra encore plus un système à plusieurs vitesses, délaissant les plus précaires.
Toutes ces politiques d’austérité et de casse de nos droits se répercutent chez nous et sur notre quotidien. En Occitanie, une réduction des subventions nous amène à une vraie crainte quant à la survie même des petites associations locales. Ces politiques d’austérité ont également entraîné des ruptures de dotations de préservatifs auprès des associations agissant pour la santé des populations clefs de l’épidémie de VIH, diminuant de fait les actions envers ces dernières. A Toulouse c’est une véritable chasse aux plus pauvres qui est organisée par les pouvoirs publics. En envisageant la vente de l’hôpital La Grave et la décentralisation des activités de soins de la PASS*, la Halte Santé, le centre de santé sexuelle et son centre de dépistage, c’est l’accès à la santé et à l’information qui est mis en danger !
A quand une politique ambitieuse avec de vrais moyens ? Pas seulement pour de grosses structures mais pour permettre une couverture territoriale et diversifiée dans la lutte contre le sida surtout face aux enjeux de demain. Il est primordial de remettre la lutte contre les oppressions au cœur de l’agenda en s’attaquant aux racines sociales et politiques des inégalités, en s’attaquant aux mécanismes de contrôle social et en défendant le droit à disposer de son corps. Il faut mettre un coup d’arrêt aux politiques favorisant l’épidémie : pénalisation des clients des travailleurSEs et criminalisation de leur travail, criminalisation de l’usage et des usagerEs de produits psychoactifs, lois discriminatoires envers les personnes vivantEs avec le VIH et inégalités de droits des personnes LGBTQIAP+*.
Permettre à touTEs la libre pratique de sa sexualité, sans jugement moral et en donnant à chacunE les moyens de se protéger est un impératif qui doit pouvoir s’exprimer tout au long de la vie sans occulter les sexualités des seniors ni leur prise en charge en tant que personnes vivant avec le VIH en EHPAD.
Vieillir avec le VIH était il y a 20 ans une utopie, aujourd’hui c’est une réalité. Les séropos d’alors ont payé un lourd tribut à cause des premiers traitements. Ils en portent les stigmates. Mais
comme si cela ne suffisait pas, isolement, précarité, effets secondaires des traitements ARV* actuels, risques accrus de complications (cancers, maladies cardio-vasculaires, immunosénescence…) constituent leur quotidien dans un contexte de rejet et de mise au placard.
Lutter contre le sida c’est lutter contre les politiques d’austérité, les discriminations, contre les régimes fascisants, c’est lutter pour conserver nos droits mais pas seulement : c’est aussi lutter
pour les améliorer, pour de nouveaux droits ! C’est aussi se souvenir : nous n’oublions pas les millions de mortEs les plus précaires les plus isoléEs et délaisséEs.
Contre la sérophobie et toutes les discriminations qui font le jeu de l’épidémie, ensemble continuons le combat !
* ONUSIDA : programme de l’ONU destiné à coordonner l’action des différentes agences spécialisées de l’ONU pour lutter contre la pandémie de VIH/Sida
* PASS : Permanence d’Accès aux Soins de Santé
*LGBTQIAP+ : Lesbiennes, Gays, BiEs, Trans, Queers, Intersexes, Agenres / AsexuelLEs, PansexuelLEs (et toutes autres personnes non hétérosexuelles et/ou non cisgenres)
* ARV : antirétroviral